Émissions impossibles : qu’est-ce qui pousse les citoyens à s’impliquer dans la transition énergétique ?

Émissions impossibles : qu’est-ce qui pousse les citoyens à s’impliquer dans la transition énergétique ?

En France, du fait d’une ouverture du marché de l’énergie étant intervenue près de dix ans après l’Allemagne, la gouvernance locale de l’énergie n’en est encore qu’à ses balbutiements. La question d’une (ré)appropriation citoyenne de l’énergie ne relève pas seulement d’enjeux environnementaux, mais renvoie au contraire à une analyse à la fois économique, sociale et politique.

Atteindre la durabilité environnementale suppose-t-il une décentralisation du système énergétique et une implication des citoyens ? La participation des citoyens constitue-t-elle une condition de la transition « énerg’éthique » ? Une brève tribune de Milk the Sun. 

D’après une récente étude française (1), l’empreinte carbone de l’épargne des Français dépasse les émissions de CO² des épargnants : tandis qu’un ménage émet dix tonnes de C0² au cours de sa vie quotidienne, son argent placé en banque en émet en moyenne quinze tonnes. En remontant la chaîne de financement allant des banques aux entreprises, le responsable de cette étude, Stanislas Dupré, a en effet constaté que l’épargne des clients était utilisée par les banques pour financer non seulement des crédits immobiliers ou des PME, mais également des forages en haute mer, des centrales à charbon ou des mines à ciel ouvert. Concrètement, un placement de dix mille euros à la banque émettrait donc au cours d’une année plus de dioxyde de carbone qu’un 4×4. Avec un taux d’épargne atteignant 15,6% en 2013 d’après l’OCDE, les Français sont loin devant le taux d’épargne allemand (10%) et font partie des plus élevés de la zone euro.

Les citoyens voulant s’impliquer dans transition énergétique ou tout du moins réduire leur empreinte carbone, pourraient donc « agir avec leur porte-monnaie » et influencer la transition énergétique ?

Le changement climatique a modifié les questions environnementales et souligne la nécessité de faire évoluer nos systèmes énergétiques. Le 11 mars 2011, l’accident nucléaire de Fukushima a en effet engendré de nombreux questionnements concernant l’énergie nucléaire et plus particulièrement son niveau de sécurité. Si cet événement a accéléré en Allemagne le processus de sortie du nucléaire et le développement de la filière renouvelable, l’abandon du nucléaire ne semblait jusqu’à ces derniers mois pas être à l’ordre du jour dans le cas français, bien que la transition énergétique ait progressivement acquis une place dans le débat politique. La remise en question des énergies fossiles et du nucléaire place les énergies renouvelables sur le devant de la scène et en fait une alternative possible au paradigme énergétique actuel.

La politique, moteur de l’éco-citoyenneté

De plus en plus de politiques publiques visant à la réalisation d’économies d’énergie sont mises en place en France, afin que les Français adoptent des comportements plus « éco-citoyens » dans leurs déplacements et usages quotidiens de l’énergie. Ces différents dispositifs s’inscrivent dans une logique des acteurs publics selon laquelle ces mesures sont un impératif pour l’adaptation de la société à la transition énergétique. Cependant, l’ampleur des changements de comportements énergétiques semble minime au vu de l’urgence écologique.

Du fait de la centralisation du système énergétique français et de l’uniformité du réseau, la France semble pour l’instant passer à côté des particularités locales pouvant être un moteur du développement des énergies renouvelables. Combler les lacunes concernant l’exploitation des différentes sources renouvelables dont la France dispose, tel semble être le défi de la transition énergétique française. Dans cette perspective, les projets locaux admettent de nombreux avantages, dans la mesure où ces derniers dépassent des logiques simplement techniques, économiques et spéculatives, caractéristiques de l’ancien système énergétique, et laissent entrevoir la possibilité d’un nouveau modèle énergétique, allant dans le sens de l’intérêt général, fondé sur une volonté de valorisation des ressources locales et d’un resserrement des liens sociaux et de la vie économique locale des territoires.

 

(1) DUPRE Stanislas, Que font-ils de notre argent ?, Nil, Paris, 2010

Cet article est en partie tiré d’un travail universitaire consultable ici