Loi sur la transition énergétique : des débats sous haute tension

Loi sur la transition énergétique : des débats sous haute tension

Sept députés et sept sénateurs forment la Commission Mixte Paritaire, sur laquelle repose actuellement le projet de loi sur la transition énergétique. Réunis à 17h le mardi 10 mars dernier, les membres de la CMP avaient pour objectif de parvenir à un accord. Députés et sénateurs n’ont cependant pas réussi à trouver un compromis, ce qui repousse l’adoption de la loi de plusieurs semaines.

L’échange entre sénateurs et députés était attendu, et pour cause : au cœur du débat de la Commission Mixte Paritaire (CMP), un texte de loi pour la transition énergétique ambitieux, faisant suite à des mois de travail et au débat national sur la transition énergétique. Adopté en première lecture fin 2014 et entériné par le Sénat, le texte de départ, porté par la Ministre de l’Écologie Ségolène Royal, comportait cependant plusieurs points pour lesquels il était prévisible qu’il serait difficile de trouver un consensus.

Au cœur des crispations, plusieurs points cruciaux sur lesquels ni le Sénat, ni l’Assemblée nationale ne semblait prêt à transiger, alors même que Ségolène Royal se disait prête à faire des concessions dans l’optique d’une adoption du texte dès la fin mars.

Principal point de discorde : la part du nucléaire dans le mix énergétique français

La divergence centrale lors des débats de la CMP a concerné le maintien ou non d’une date butoir pour l’objectif d’une réduction de la part du nucléaire de 75 à 50% du mix énergétique français. Si l’horizon 2025 figurait dans le projet de loi adopté par l’Assemblé, les Sénateurs ont quant à eux refusé d’y faire figurer une date, au prétexte que la fixation d’un objectif de réduction du nucléaire civil serait suffisante. S’opposent donc des députés ayant à cœur de respecter ce qui constituait l’un des engagements phare du candidat Hollande en 2012, et des sénateurs pour lesquels le repli du nucléaire civil doit s’effectuer “sereinement et progressivement”.

mixCette promesse de campagne d’un passage de 75% à 50% de nucléaire dans le mix énergétique était en effet sensée s’appuyer en partie sur la fermeture programmée de la centrale de Fessenheim, située dans le Haut-Rhin, et pour laquelle le président Hollande a rappelé début mars son intention de fermer la centrale avant la fin du quinquennat.

Si le président Hollande semble avoir fait preuve de constance à ce sujet, le Gouvernement a quant à lui été moins régulier. Concernant la date butoir de réduction de la part du nucléaire, Ségolène Royal a en effet botté en touche, affirmant que fixer l’objectif de 40% de renouvelable en 2030 revenait au même, et va plus loin en indiquant que d’autres centrales que Fessenheim pourraient être fermées. Cette recherche d’alternatives à la fermeture de Fessenheim fait écho au président d’EDF Jean-Bernard Levy, qui met régulièrement en avant les difficultés liées à la fermeture d’une centrale de cette envergure et à ses conséquences sur l’emploi dans la région.

Les Verts, ONG et autres acteurs du débat pour la transition énergétique sont donc montés au créneau, d’autant que la centrale de Fessenheim a été victime de plusieurs incidents ces derniers mois, dont un la semaine dernière : la centrale a en effet été mise provisoirement à l’arrêt complet, en raison d’un problème d’étanchéité au niveau de l’alimentation en eau. «Pas un mois ne passe sans qu’un incident, plus ou moins grave, n’éclate sur le site alsacien, relève Europe Écologie Les Verts, cette série d’incidents à répétions appelle à une prise de conscience lucide et irréfutable sur la dangerosité du nucléaire.»

L'hémicycle du Sénat français

L’hémicycle du Sénat français

Autre points de divergence, la réduction de la consommation d’énergie finale de 50% d’ici 2050. Si l’Assemblée nationale avait pris la décision d’ajouter un objectif intermédiaire d’une diminution de 20% en 2030, les sénateurs ont refusé ce palier. De nombreux acteurs soulignent pourtant l’importance de cette étape dans perspective d’une réduction des gaspillages d’énergie et du développement de la filière de l’efficacité énergétique.

Palais Bourbon de nuit

Palais Bourbon de nuit

 

Les sénateurs ont adopté des mesures positives pour le développement des ENR, mais pas que… Bien que les sénateurs aient effectivement opté pour un raccourcissement des délais de raccordement, toutes les mesures liées au développement des énergies renouvelables n’ont pas été accueillies positivement. Dans le secteur de l’éolien, par exemple, le texte du Sénat fait passer la distance minimale des habitations de 500m à 1 km pour la construction d’éoliennes. Or, l’immense majorité des projets éoliens sont développés à une distance de 500m des habitations, ce qui menace nettement la filière éolienne française. Pour l’association France Energie Eolienne, il s’agit d’une “distance arbitraire établie sans étude ni examen de terrain, uniquement motivée par le lobby intensif des anti-éoliens”.

Un refus de compromis favorable à la loi pour la transition énergétique ?

À une adoption rapide du texte, la Commission Mixte Paritaire semble donc avoir préféré un texte plus ambitieux et restant proche des promesses électorales de François Hollande. Tandis que Ségolène Royal était prête à un compromis en vue d’une adoption rapide du texte, la Commission Mixte Paritaire a fait le choix d’un retour du texte à l’Assemblée pour une seconde lecture. Ce procédé permettra aux députés de garder en tête les objections et points de blocages soulevés par le Sénat, tout en conservant les évolutions positives apportées suite au premier examen des sénateurs. Le texte repassera ensuite par le Sénat, avant une lecture définitive par l’Assemblée nationale qui aura donc le dernier mot.

 

En savoir plus

La navette parlementaire

Ce processus d’aller-retour du projet de loi entre le Sénat et l’Assemblée nationale est communément appelé navette parlementaire. Selon l’article 45 alinéa 1 de la Constitution, « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique ».

Comme le détaille le site du Sénat, “l’adoption définitive d’un texte implique son vote dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat au terme d’un mouvement de va-et-vient du texte en discussion entre les assemblées, communément appelé « navette ». Cet accord peut se réaliser spontanément ou après intervention d’une commission mixte paritaire (CMP). Cependant, le bicamérisme de la Ve République n’est pas totalement égalitaire et admet, dans la plupart des matières, la prééminence de l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct. C’est pourquoi, en cas de désaccord entre les deux chambres, le Gouvernement dispose de la possibilité de faire statuer l’Assemblée nationale en dernier ressort.”