« Les entreprises du secteur renouvelable doivent être en mesure de commercialiser l’énergie » Carlos Finat d’ACERA, à propos des énergies renouvelables et des mines au Chili

« Les entreprises du secteur renouvelable doivent être en mesure de commercialiser l’énergie » Carlos Finat d’ACERA, à propos des énergies renouvelables et des mines au Chili

Carlos Finat, directeur exécutif de l’ACERA, association chilienne des énergies renouvelables, a évoqué avec Milk the Sun le potentiel grandissant des énergies renouvelables dans le contexte des opérations minières au Chili et nous parle des défis et opportunités de ce marché en pleine expansion.

Milk the Sun: La conférence, “Renewables and Mining Summit and Exhibition”, qui s’est tenue à Santiago (Chili) le mois dernier, a donné aux acteurs des énergies renouvelables et de l’industrie minière l’opportunité de se rencontrer et d’échanger.
Vous avez eu la chance unique de travailler à la fois dans le secteur minier et dans les énergies renouvelables au Chili. Quel bilan tirez-vous de cette conférence ?

Carlos Finat: La conférence sur l’industrie minière et les énergies renouvelables n’était pas la première du genre à avoir lieu à Santiago. Ces dernières années, beaucoup d’événements ont été organisés sur ce sujet. Bien sûr, il s’agit de la plus récente, et elle a réussi à attirer énormément de visiteurs. Beaucoup de participants, investisseurs et porteurs de projet, mais aussi des professionnels issus du secteur minier, ont fait le déplacement. D’après ce que j’ai pu observer, les entreprises minières se sont montrées très intéressées. Je pense que toutes les plus grandes sociétés du secteur minier étaient présentes et, bien sûr, les développeurs de projets étaient très actifs, puisqu’ils avaient la possibilité d’y proposer des contrats.

Il y a eu des débats sur le fossé existant entre ces deux secteurs, et la nécessité d’y remédier afin de faciliter les coopérations entre l’industrie minière et les contrats de production d’énergies renouvelables. Il faut bien noter qu’aujourd’hui, certaines grandes compagnies minières ont d’ores et déjà des contrats PPA avec des entreprises d’énergies renouvelables, comme par exemple Collahuasi, Antofagasta Minerals ou CAP. Tout cela me fait dire que le bilan est très positif.

 

MtS: Le sujet des PPA a été délicat à aborder pour les entreprises minières et le secteur renouvelable. Du fait de l’incertitude des prix des matières premières et de l’appréhension des entreprises minières à signer des contrats énergétiques sur le long terme, les développeurs de projets doivent supporter une phase délicate le temps de sécuriser le financement. Y a-t-il une solution à cette impasse ?

CF: Il faut considérer ce sujet avec le point de vue du secteur des énergies renouvelables autant que celui de l’industrie minière. D’un côté, les entreprises d’énergies renouvelables et alternatives souhaitent sécuriser des contrats pour simplement vendre l’énergie sans avoir l’obligation d’approvisionner en énergie sur une base de 24h/24. C’est une des faces de cette question. De l’autre côté, les compagnies minières souhaitent que les entreprises de production d’électricité soient capables d’offrir des contrats de distribution 24h/24. On peut comprendre les deux positions. Laissez-moi vous donner un exemple. Les entreprises d’énergies renouvelables peuvent améliorer leur type de production en intégrant, par exemple, de l’éolien et du solaire à leur mix énergétique, ce qui leur permettrait de s’approcher d’une distribution 24h/24. Les compagnies minières, quant à elles, sachant qu’aujourd’hui les énergies renouvelables sont moins chères que les énergies conventionnelles, sont parfaitement capables d’établir des termes de coopération de sorte qu’elles combinent les avantages des contrats avec des producteurs conventionnels et ceux des producteurs d’énergies renouvelables. Par exemple, une entreprise minière souhaitant incorporer – je vais donner un chiffre au hasard – disons 30% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, pourrait utiliser un générateur conventionnel avec lequel elle a déjà un contrat qui lui permet d’adapter sa demande pour y inclure les 30% de contrat renouvelables. Bien sûr, si vous avez un contrat de gaz entre les mains, aujourd’hui cela veut dire 120 dollars par MWh et un contrat avec du solaire ou de l’éolien pourrait être 85 dollars par MWh. Le résultat combiné de ces deux contrats serait moins cher qu’un contrat uniquement au gaz.
Mais cela demande une évolution dans les mentalités, du côté des entreprises minières concernant le « one stop shopping » qu’elles faisaient avec un générateur simple. Cela n’est plus valable. Il est maintenant préférable de négocier avec plusieurs producteurs d’énergie et, en ce sens, de garder les coûts de production aussi bas que possible.

 

MtS: Un changement dans les mentalités a-t-il donc été nécessaire pour les entreprises du secteur renouvelables et pour les autres acteurs impliqués ?

CF: Oui, évidemment. Je ne doute absolument pas que c’est ce qui se passe actuellement, et pas seulement dans l’industrie minière. Il y a eu un appel d’offres qui a accordé des contrats de distribution avec des fournisseurs d’énergie l’an dernier. Dans certains cas, des entreprises d’énergies renouvelables ou non conventionnelles ont participé à des blocs de distribution d’électricité sur une base de 24h/24, comme les fournisseurs d’électricité « conventionnelle ».

Nous avons fait une étude avec des consultants externes qui décrit les résultats de l’attribution. L’un des résultats les plus importants est que le prix moyen pondéré des offres proposées par les entreprises d’énergies renouvelables était 8 dollars de moins que le même prix moyen pondéré de contrats pour des énergies de source conventionnelle. Et en tenant compte du volume d’énergie, cela veut dire que dans les 15 prochaines années, le consommateur d’énergie finale économiserait 360 millions de dollars.

 

MtS: Y a-t-il d’autres moyens créatifs ou innovants via lesquels une compagnie pourrait faire en sorte que sa PPA soit plus attractive pour les compagnies minières ?

CF: Il y a plusieurs possibilités. Les producteurs d’énergies renouvelables pourraient offrir aux consommateurs un contrat de distribution avec un prix fixé lorsque la source renouvelable génère de l’énergie, quand il y a du vent, par exemple, et un autre prix, le coût marginal de l’électricité plus un frais de commercialisation, en dehors de ces heures. De cette manière, l’énergie renouvelable serait parfaitement capable de produire des contrats sur une base 24h/24, particulièrement en ce moment où les coûts marginaux sont relativement bas.

L’une des questions que j’estime fondamentale pour les entreprises d’énergies renouvelables pour les prochaines années au Chili, c’est qu’elles doivent être en capacité de commercialiser l’énergie. Il y a la possibilité d’aller sur le marché spot, mais les prix sur le marché spot sont très volatiles et de fait il est très difficile de financer un contrat et de financer un projet. Mais l’opportunité se trouve sur le marché commercial, le marché des consommateurs finaux. Ceux-ci ont besoin de prix compétitifs. L’énergie renouvelable peut leur offrir cela et il faut être innovant pour le format de commercialisation, pour lequel la flexibilité à la fois du côté de l’acheteur et du vendeur est nécessaire.

 

MtS: Certaines centrales n’ont pas de souci pour vendre sur le marché spot. Quels sont les perspectives pour ce segment du marché pour les prochaines années ?

CF: La structure et le design du marché chilien est basé sur les contrats de distribution. Pour cela, j’ai tendance à penser que le principal développement de projets non conventionnels se passera via des contrats, pas via la vente sur le marché spot. Le point suivant est important : certaines entreprises peuvent décider au départ d’entrer sur le marché spot, mais à partir du moment où une centrale fonctionne, ils commencent à chercher des contrats puisqu’ils ont la possibilité de fournir l’électricité directement, immédiatement.

 

MtS: Le gouvernement chilien subit beaucoup de pression pour assurer la fourniture d’électricité à l’industrie minière. Y a-t-il eu de nouveaux développements durant la conférence concernant le rôle du gouvernement à ce sujet ?

CF: Il y a un document appelé l’ “Energy Agenda”. Cet agenda énergétique a été créé par le ministre de l’énergie actuel [Máximo Pacheco]. C’est la première chose qu’il a mise en place lors de sa nomination au Ministère. Dans cet agenda, pour la première fois au Chili, une administration a déclaré dans des termes à la fois globaux et détaillés, une politique énergétique « compréhensive » pour le pays. L’une des choses qu’il indique est que le gouvernement aura un rôle important dans les décisions prises dans le secteur énergétique. Le gouvernement a l’obligation de s’assurer du bien-être de la population. Cette tâche ne peut-être déléguée au marché. Cela doit être accompli par le gouvernement. Dans ce sens, il y a eu un progrès, avec lequel nous sommes d’accord, en respectant le fait que le gouvernement prend des décisions qui peuvent affecter le marché d’une certaine manière.

Un exemple de cela est la modification des termes des appels d’offre pour la production d’électricité, qui a été mise en place le mois dernier par les compagnies de distribution. Ces dernières ont permis aux énergies non conventionnelles de participer aux appels d’offres en éliminant certains risques qui pouvaient empêcher leur participation. C’est un sujet qui est traité dans l’agenda énergétique et je dirais que c’est une position qui n’est pas nouvelle en soi. Ce n’est pas une position nouvelle, mais le gouvernement prend un rôle plus actif dans la planification et le développement de ce secteur. C’est une initiative que nous estimons beaucoup et qui a été lancée par l’administration [de la présidente Michelle Bachelet] ; avant cela, c’était au marché d’allouer les ressources.

 

MtS: Merci beaucoup de nous avoir accordé un peu de votre temps M. Finat.

 

Carlos Finat Díaz, directeur executif de l’ACERA, a commencé sa carrière en tant qu’ingénieur en électricité, diplômé de l’Université du Chili. Il a une expérience professionnelle développée dans l’énergie, le secteur minier, les technologies de l’information, la défense et l’industrie automation.

Finat a une expérience solide en régulation du secteur de l’énergie, cadre opérationnel et régulatoire de la CDEC, des appels d’offres, en négociation de pouvoir et contrats LNG, émissions de gaz à effet de serre, et en gestion de l’énergie, entre autres. En 1999, il est nommé directeur des opérations et négociations au sein de l’ « Independent System Operator of Northern Chile » (CDEC-SING). Fin 2008, il rejoint la « Compañía Minera Doña Inés de Collahuasi » où il est responsable de la distribution stratégique manager supply stratégique, VP (I) Administration et Services & Energy Manager.Dans le même temps, il intègre le conseil du CDEC-SING, où il représentait les consommateurs et était élu comme chairman pour la période 2011 2012. En septembre 2012 il quitte Collahuasi pour rejoindre l’ACERA AG au poste de directeur exécutif.